A Marseille le 28 avril 2019, la célébration des 150 ans de nos deux instituts fondés par le Cardinal Lavigerie a mis en valeur notre esprit de famille.
En frères et sœurs unis de cœur, de pensée, nous avons rendu grâces pour l’héritage transmis par le Cardinal Lavigerie et Mère Marie Salomé.
Cet esprit de famille a été signifié par des SMNDA et des M.Afr., par des laïcs de la famille Lavigerie et par des SAB, représentant 22 congrégations-sœurs.
Le matin, en banlieue nord de Marseille, la paroisse Notre Dame Limite tenue par les Missionnaires d’Afrique depuis 25 ans, fêtait son 50ème anniversaire de fondation. Mgr Pontier devant une assemblée multi races et langues leur lançait une invitation : C’est votre charisme de nous aider à vivre ensemble. Qu’il y ait encore des Pères Blancs dans cette paroisse !
L’après-midi, nous nous sommes retrouvés à une centaine de personnes à Notre Dame de la Garde pour rendre grâces pour tout ce que nous avons reçu durant 150 ans.
Guy Vuillemin, M.Afr. avait sélectionné des paroles de Lavigerie qui nourrissent nos convictions missionnaires. De son entrevue avec l’émir Abd el Kader, Lavigerie se rappelle ce qu’il a ressenti devant ce musulman sincère : « Je n’oublierai jamais l’entrevue que j’ai eue avec l’émir». A propos de populations avec d’autres rites, Lavigerie a une conviction « J’ai cherché à leur témoigner que je les aimais véritablement, sans distinction de rite et de nationalité ». Devant les atrocités de l’esclavage, il réagit: « Je suis un homme, l’injustice envers d’autres hommes m’inspire de l’horreur ».
Françoise Dartigues, SMNDA, évoque la grande figure de Mère Marie Salomé, entrée profondément dans les vues de Lavigerie mais qui, poussée par l’Esprit, ose lui résister avec assurance, certaine que Lavigerie désire que l’évangile continuer sa course en Afrique subsaharienne.
Le désir de la rencontre de l’autre transmis par Lavigerie a porté des fruits qu’expriment les témoignages qui ont suivi.
Celui de Bachir, non voyant, ancien élève de Raphaël Deillon, à Ghardaïa.
« C’est un privilège de pouvoir parler. Je suis ici pour dire ma reconnaissance. L’Algérie entre 1992 et 99 traversait une période très difficile. Le premier contact avec les PB c’est quand je voulais intégrer le lycée à Ghardaïa. Une personne est venue me taquiner dans mon désert, un professeur d’anglais bien qu’il soit suisse, qui avait 6 classes d’anglais plus un « miro ». Il m’a pris mon poinçon or je n’en avais qu’un et j’ai lu « Je suis ton nouveau professeur d’anglais. J’ai appris un peu le braille. N’hésite pas à me dire si je fais des fautes ». Il m’avait ouvert une porte, celle du questionnement.
Les gens me disaient : « Est-ce qu’on a essayé de te parler religion ? – Non ! »
Raphaël faisait partie de nous, faisait le bien avec nous, sans clivage. Amitié, courage, dévouement. A son contact, j’ai su que la foi en Dieu et en l’homme ne se résume pas en des rites. Elle est dans chaque pas que nous faisons, dans chaque action que nous accomplissons. Elle finit par faire partie de nous.
Je veux dire merci à ceux et celles qui sont restés avec nous. Tous les jours je souhaite que les hommes construisent un peu plus de ponts et moins de murs ».
Le témoignage de Sr Béatrice DALA, des Sœurs de l’Annonciation de Bobo-Dioulasso débute par un refrain repris avec joie par les dioulaphones présents dans l’assemblée « Ne be Ala wali nyuma lon a yé ko ba kè né yé »…Le Seigneur a fait de grandes choses pour moi.
« Notre Congrégation a été fondée en 1948 par un évêque, missionnaire d’Afrique, Monseigneur André Dupont originaire de Lille. Très vite, il a confié sa jeune Congrégation aux sœurs Blanches qui l’ont accompagnée jusqu’à son autonomie en 1968.
Notre petit témoignage se veut une action de grâce au Seigneur pour la vie des sœurs missionnaires d’Afrique, les sœurs Blanches, comme nous aimons les appeler. Merci au Seigneur pour leur mission dans nos pays d’Afrique. Oui, nous avons un sentiment de joie, de reconnaissance pour l’œuvre caritative réalisée par les sœurs blanches. Elles ont quitté leur pays, leur famille, au risque de leur vie, pour venir chez nous où la plupart de nos villes n’avait ni électricité, ni téléphone, ni routes bitumées, ni voiture. Nous avons vu en elles des femmes consacrées qui se sont données pour le service des africains. Leur principale préoccupation était L’évangélisation et le développement de la personne, surtout la promotion féminine.
En effet, elles étaient toutes à tous, des femmes attentives, à l’écoute des gens surtout les plus pauvres. Des femmes habitées par le Christ pour ainsi accepter de vivre dans nos milieux pauvres. Elles sillonnaient nos routes ; allant de villages en villages, mangeant simplement ce qu’on leur servait. Elles ont su s’intégrer, se mélanger aux gens sans distinction de religion, annoncer le message évangélique dans le respect des gens et de leur culture. Elles parlaient couramment nos langues maternelles : Mooré, Djula, Samo, Bobo, Marka, Dagara et j’en passe. Elles ont même adopté nos familles à plaisanterie : (des Sœurs blanches se trouvant chez les samos considèreront cordialement les mossis comme leurs esclaves et vice-versa).
C’étaient des femmes pleines d’initiatives : En effet, très vite, elles ont ouvert des centres ménagers pour apprendre aux femmes et jeunes filles la couture, la cuisine, des centres de préparation des fiancées au mariage. Exerçant toute activité qui pouvait aider les gens. Elles étaient infirmières, enseignantes dans nos écoles, catéchistes infatigables sur les routes de jour comme de nuit. Elles nous ont appris à tenir nos maisons propres. Nous ne pouvons passer outre le grand combat mené pour la libération de la femme burkinabè dans le mariage. Oui, vous vous êtes battues pour libérer les femmes et leur permettre de faire leur choix librement pour le mariage. Ani tyé, Barka wusgo = Merci !
Les gens avaient trouvé chez ces dames en blanc, des femmes de confiance. Accueillantes, proches des gens, leurs portes étaient toujours ouvertes. Facilement les gens venaient à elles, les invitaient dans leur maison Elles étaient accueillies, acceptées au point qu’on leur donnait parfois des noms de chez nous pour leur signifier qu’elles étaient chez elles. Ainsi, il y avait la sœur Kaworé (femme vivante, joyeuse dynamique) c’était la sœur Jacques / Marcelle. Boyant (femme calme, douce). La sœur Madeleine Jacquinot Na Gulé :(la grand’mère). Selon la coutume on ne dit pas le nom d’une personne âgée par respect. La sœur Saint Béni.
Les sœurs blanches ont été à la source à la base de nos Congrégations autochtones. Elles nous ont aidées dans la formation de nos premières sœurs. C’était un service gratuit. Humblement, elles ont accepté de nous accompagner pour qu’il y ait des sœurs autochtones pour prendre la relève, sans chercher à recruter pour leur propre Congrégation. Aussi, trois congrégations burkinabè ont bénéficié d’une formation solide grâce au dévouement des sœurs Blanches.
Nous, sœurs de l’Annonciation de Bobo-Dioulasso, nous restons très reconnaissantes envers vous. Vous nous avez aidées et continuez de soutenir notre Congrégation. Vous êtes et resterez pour nous nos mamans, une partie de nous-mêmes. Les sœurs blanches seront toujours citées dans l’histoire de notre Congrégation. Aujourd’hui, Nous rendons grâce à Dieu pour votre fidélité, votre foi. Sachez que nous continuons de puiser dans votre trésor spirituel. Merci ! Ani tyé ! Ne na mun di Matigi ma … » Que rendrais-je au Seigneur…
Le témoignage de Chantal Mullard, de la Famille Lavigerie, nous fait rendre grâces pour la grande richesse qu’est le « Tout à tous » transmis par Lavigerie.
« Le groupe de laïcs de la Famille Lavigerie existe depuis environ 25 ans ; au début, il était essentiellement composé de parents et amis des Sœurs Blanches. Depuis 2005, il a pris le visage qui demeure actuellement. Au fil des années, nous nous sommes imprégnés de la vie du Cardinal Lavigerie et de Mère Marie-Salomé.
Nous nous efforçons de vivre en appliquant la spiritualité Ignatienne dans notre vie quotidienne, notre travail, nos activités associatives diverses tels que Secours Catholique, CCFD, aide aux migrants, aux sans-abris ; nous sommes tous impliqués dans la vie paroissiale. Nous pratiquons ainsi le « Tout à tous » du Cardinal Lavigerie.
Issus de différentes régions de France –Bretagne, Paris, Sud Est – nous nous rencontrons régulièrement avec les Sœurs Blanches que nous aidons comme nous pouvons. Le groupe de Marseille a des réunions tous les trimestres et deux fois par an, tous les membres se retrouvent pour des temps forts : récollections, temps de prière, échanges sur des points importants du monde actuel comme :
- Les migrants
- L’esclavage moderne
- La connaissance de l’Islam
- L’écologie, l’étude du Laudato Si
A Marseille, nous avons monté une exposition pour le 125ème anniversaire de l’abolition de l’esclavage et de la lutte anti-esclavagiste du Cardinal Lavigerie. Nous l’avons présenté à des aumôneries de collège pour sensibiliser les jeunes à l’esclavage autrefois et surtout maintenant. Beaucoup ont été très touchés et marqués par l’exploitation des enfants et des jeunes filles.
Très unis entre nous et avec les Sœurs, nous accueillons et sommes ouverts à tous. En ce 150ème anniversaire, nous disons un grand merci aux Sœurs Blanches et aux Pères Blancs pour ce qu’ils nous permettent de vivre. »
Geneviève, Petite Sœur de Jésus, fit remarquer dans son témoignage que leur fondatrice avait été formée par les Sœurs Blanches.
Colette Hamza, Xavière, rappela l’importance du « donner recevoir », bien soulignée dans cette pensée de leur fondatrice « Tout accueillir pour tout épanouir ».
Mgr Aveline, évêque auxiliaire de Marseille donna le dernier témoignage : « L’Eglise de ce diocèse est marquée par les missionnaires. Beaucoup de reconnaissance. Un danger la guette : se regarder elle-même.
- Continuez ce zèle missionnaire, humble, résolu.
- Nous apprenons avec vous ce que signifie la mission de l’Eglise : recevoir une intelligence plus grande de l’Evangile. Vous nous donnez la compréhension de la mission : aimer, servir, demander l’hospitalité.
- Vous nous donnez soif de vivre la catholicité de l’Eglise : faire signe et non pas faire du nombre. La robe du Christ sans couture n’est pas encore assez bariolée. »
Puis une procession s’organisa vers la statue de Ste Véronique sur le socle de laquelle on lit « Aux missionnaires partis de ce haut-lieu pour annoncer la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ à nos frères les hommes du monde entier ».
Près de cette plaque, Gérard Chabanon, provincial des M.Afr. pour l’Europe nous fit écouter le vent qui soufflait fort ce jour-là. « Comme le mistral, signe de l’Esprit, envoyait les missionnaires de France en Afrique, l’harmattan, signe de l’Esprit, envoie aujourd’hui les missionnaires d’Afrique en Europe ». Marie-José Blain, à son tour, responsable des SMNDA pour la France rappela combien Lavigerie comme Mère Marie Salomé savaient que rien ne se fait sans la prière.
La journée de célébration des 150 ans à Marseille restera un moment d’action de grâces, ponctué de chants de louange après chaque intervention. Merci à l’organiste et à l’animatrice venus de la paroisse des Chartreux et qui nous ont si bien entraînés à louer le Seigneur !
Aux pieds de Notre Dame de La Garde qui veillait sur nous, SMNDA et M.Afr ont présenté leurs demandes avec le chant du Sancta Maria.
Quant à l’envoi final après la bénédiction de Mgr Aveline, chacun et chacune a pu entendre l’invitation du Seigneur en chantant : « Allez par toute la terre annoncer l’Évangile aux nations ».