La Conférence mondiale des coopératives pour le développement, s’est tenue à Kigali du 14 au 17 octobre 2019. Elle était organisée par « l’Alliance coopérative internationale », sous l’égide du gouvernement rwandais. La Directrice exécutive d’ONU Femmes, Michelle Bachelet, a souligné comment l’autonomisation économique des femmes rurales, contribuera à les sortir de la pauvreté et à renforcer la sécurité alimentaire.
Nous avons expérimenté ce concept sur le terrain, avec un groupe de femmes : « Tuzamurane », très pauvres matériellement, mais vivant surtout dans une grande misère humaine. C’est dans un village du Rwanda – Kinteko – que vit cette petite équipe. Bien que géographiquement proche de la ville de Butare, cette localité est réellement « périphérique ».
La genèse de Tuzamurane.
Tout a commencé il y a 4 ans, avec une jeune femme très pauvre, abandonnée par son mari avec quatre enfants en bas âge, sans logement, sans ressources. Notre communauté smnda la connaît bien, et l’aide ponctuellement. Pendant la saison où il n’y a pas d’embauche pour le travail des champs, elle nous dit qu’il lui arrive parfois de passer trois ou quatre jours sans manger. Un jour, lors d’une de ses visites, elle nous raconte comment, en se voyant au fond du trou, et en cherchant une façon de s’en sortir, elle contacte quelques personnes pauvres comme elle, et leur propose de se mettre ensemble, pour tenter de « sortir la tête de l’eau ». Elle venait de commencer une petite association qu’elle appela : « Tuzamurane » ce qui veut dire : Relevons-nous mutuellement. Avec la conviction profonde que notre charisme et notre manière d’agir smnda, peut apporter une contribution importante et spécifique à la mission, nous avons senti un appel à accompagner ces personnes, pour être, comme nous y invite notre dernier chapitre général, « Porteuses d’espérance » dans ce milieu périphérique. Au départ, nous visitons d’abord et écoutons ce groupe, mais nous savons bien que de telles associations de pauvres, ne peuvent pas tenir seules. En réalité, plusieurs ouvriers apostoliques ont déjà essayé de travailler avec cette population périurbaine, mais après un temps, ils se sont retirés. Jusqu’à ce jour, aucune congrégation n’est présente dans cette région réputée très difficile.
Le cheminement de ce comité :
Il nous semble tout d’abord important d’attirer l’attention du groupe (25 femmes et 5 hommes) sur le fait que, pour vraiment s’en sortir, il est indispensable dans ce que l’on entreprend, de se laisser guider par des valeurs humaines fondamentales : être solidaires ; s’ouvrir aux autres ; vivre les différences plus comme une chance que comme une menace ; faire en sorte que, lorsque je quitte l’endroit où le sort m’a placé, je le laisse meilleur que je ne l’ai trouvé… Aujourd’hui, ce genre de message passe assez bien, parce que dans le pays, le discours sur les valeurs, est familier à tous. Au début, ce petit noyau se rencontre une fois par semaine, et chacun verse une cotisation de 200 Francs (1 euro = 1000 francs rwandais). Plus que la faim, leur cauchemar est de ne pas avoir de mutuelle santé en cas de maladie, car les soins sont inabordables. De plus lors des contrôles, être trouvé sans mutuelle, c’est comme être sans carte d’identité. L’amende est alors très lourde ! La somme récoltée, sert à commencer une micro activité, génératrice de petits revenus : achat et vente d’une bassine de tomates, de bananes, ou d’avocats… Puis rapidement, le groupe rêve d’un projet d’élevage de porcs. C’est à ce moment-là que, providentiellement, arrive l’offre venant des amies de notre Sœur Maria Rita, pour soutenir un projet de développement. En amont, une étude préalable permet de vérifier la faisabilité du projet et de mesurer son potentiel de réussite.
Et le rêve devient réalité…
Rapidement la construction de la porcherie est matérialisée, grâce à l’entraide et à la participation de tous. Dans un premier temps, cette porcherie accueille un verrat et deux truies accompagnés de leur progéniture. Les porcelets sont vendus sur le marché local sitôt sevrés, afin de réduire les frais et de proposer des prix de vente peu élevés, tenant compte des revenus très bas dans la région. De grands espoirs sont fondés sur cette expérience d’élevage porcin qui, en fonction des résultats obtenus, est appelée à se renouveler pour s’étendre dans le village.
Aujourd’hui chaque femme peut nourrir sa famille au moins une fois par jour. Chacune peut scolariser ses enfants, au moins dans le système « école pour tous ». Certaines ont pu améliorer un peu le confort de leur logement. Grâce aux facilités prévues par l’État, d’autres ont installé l’électricité dans leur maison. L’une d’elles a dit un jour avec beaucoup de fierté : « mes enfants peuvent maintenant étudier le soir, et moi aussi, je lave ma maison à l’eau » (sol cimenté)
Devenir levain dans la pâte.
En réalité, pour la plupart des membres, cela prend du temps avant d’intégrer le message que : « recevoir gratuitement, engage aussi à donner sans rien demander ». Car toute personne, y compris le pauvre, peut apporter une contribution au mieux-être des autres. Ce doit être un choix, une décision personnelle.
Maintenant, le groupe a le souci de partager ce qu’il reçoit, et souhaite que sa présence dans le quartier encourage d’autres à suivre ce chemin. Dans ce noyau très hétéroclite, la présence de quelques hommes d’une part, et le mélange de confessions religieuses d’autre part, sont une opportunité pour que le groupe apprenne à accueillir, à respecter, à apprécier les différences, à exploiter la complémentarité. Chacune des personnes a su apprendre à faire de ses différences une chance, pour mieux progresser. Aujourd’hui, les membres de cette mini-entreprise sont heureux du chemin parcouru ensemble, d’autant plus que la vie du quartier en est réellement transformée.
Sr Huguette Régennass (smnda)